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François Morel

« Complet-coutumier de l'enfance des années 60 »

19h, j'attends patiemment dans le bar du Théâtre de la Renaissance. François Morel tente de trouver une place libre pour garer sa voiture. Arrivé, il me serre la main et veut s'éclipser pour voir le directeur. Il pense que je suis pressé. Eh bien non, je demande environ trente minutes d'entretien lors des interviews. S'il y a de la rallonge, c'est plus confortable. A condition d'avoir un interlocuteur qui aime parler et ne pas être à court de questions. François Morel très calme comme un enfant qui veut son "image" à la fin du court joue la carte sensibilité à défaut de ses pitreries incontournables des Deschiens.

"Les habits du dimanche" titre d'un de vos livres, est-ce un clin d'œil à la nostalgie de l'enfance ?

François Morel : Sans doute on peut ressentir de la nostalgie, mais ce n'est pas le cas pour moi. C'est une évocation évidemment de l'enfance des années 60. Il y a de la mélancolie. Mais je n'ai aucun regret de n'être plus dans cette époque là. Je suis heureux dans ma vie actuelle et d'être dans le monde d'aujourd'hui. Mon spectacle raconte l'histoire d'un petit garçon qui devait s'habiller d'un complet en tergal le dimanche.

On comprend mieux votre enracinement dans la "série des Deschiens" après avoir vu votre spectacle à la Renaissance. Qu'en pensez-vous ?

F.M. : Je ne sais pas si on me comprend mieux. Quand on travaillait avec Jérôme Deschamps, chacun apportait sa part d'enfance. Les accents qu'il entendait quand il était petit. Quand on est comédien on se nourrit de son enfance. Les gens qui m'ont vu dans les Deschiens" ne se sentent pas dépaysés, même si c'est complètement différent.

Peut-être quelqu'un qui aurait vécu dans un quartier et non à la campagne n'aurait pas pu jouer dans les Deschiens.

F.M. : Il aurait pu être dans les Deschiens tout en racontant autre chose. Chacun a une enfance particulière. On n'est pas obligé d'avoir vécu dans les champs pour jouer dans cette série TV.

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Est-il vital d'avoir une vie après "Les Deschiens" ?

F.M. : Sûrement ! Je n'ai pas fait ce spectacle pour montrer que je pouvais faire autre chose que les Deschiens. Ça c'est arrêté naturellement. Je suis arrivé au bout d'une belle aventure. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Jérôme Deschamps, Macha Makeieff et toute la bande. La télévision se terminait. On avait fait six spectacles ensemble. C'est normal que les comédiens ont envie d'être déplacés, rencontrer d'autre metteurs en scène et d'essayer de se coltiner d'autre façon d'aborder le métier. Il y avait une part d'improvisation importante avec Jérôme Deschamps. J'ai presque voulu faire le contraire dans "Les habits du dimanche". Cela m'amusait d'écrire un texte et de l'interpréter après.

En plus, vous retrouvez Michel Cerda, un metteur en scène avec qui vous avez fait deux spectacles en 1987. Ces retrouvailles ont-ils augmenté ce plaisir d'être ensemble sur un projet ?

F.M. : On ne s'était jamais perdu de vue. J'étais spectateur de ses mises en scène et réciproquement. En 1987, on a monté des textes qui n'étaient pas destinés au théâtre. Il n'y avait pas de répliques, de dialogues. Michel Cerda était doué pour faire des choses qui n'était pas prévues pour le théâtre. Je savais que j'allais apporter de la fantaisie. J'avais besoin de quelqu'un qui m'enracine dans les sentiments que je raconterais sur scène. Michel Cerda est très proche du texte.

A-t-il été décideur de tous les objets que l'on trouve sur scène, notamment ce gros cube ?

F.M. : Il a été aidé par la décoratrice Anita Renaud.

Être seul sur scène au Théâtre de la Renaissance demande de créer une atmosphère. Ce cube y contribue me semble-t-il ?

F.M. : J'avais besoin de çà., d'un cadre assez précis.

La période des "Habits du dimanche" se situe-t-elle dans les années 50-60 ?

F.M. : Oui ! Je me suis un peu vieilli. J'ai besoin de faire des décalages pour raconter des choses personnelles. Par exemple, je suis de l'Orne et ça se passe dans le Calvados. C'est bête ! Ça fait que ce n'est pas tout à fait moi.

François Morel s'adresse au barman : « Je voudrais immédiatement un Perrier et des cacahuètes. »

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Le camembert dégouline dans votre spectacle et cimente à la fois l'esprit paternaliste d'antan. Pourtant De Gaulle a dit comment voulez-vous gouverner un pays qui a 250 camemberts ? Avez-vous eu l'esprit de cette citation en construisant le personnage du père ?

F.M. : Non, pas vraiment. Je trouvais que le camembert était une métaphore. Toute sa vie le père est passionné par son entreprise. C'est un employé modèle. Il accepte de faire des heures supplémentaires pas payés. On sent qu'il a une admiration énorme pour son patron. Quand le père meurt, il oublie le fromage dans sa poche. On imagine que ce camembert va finir par le manger. J'avais un oncle qui travaillait dans les fromages, je m'en suis un peu inspiré.

Le dimanche a toujours été mortel pour les mômes car les réunions de famille étaient de rigueur. N'empêche, l'ennui avait l'avantage de développer son propre imaginaire. Le regrettez-vous à l'époque d'Internet, de la game-boy ?

F.M. : Absolument ! C'est une période où les parents ne se sentaient pas obligés d'occuper leurs enfants tous les mercredis et samedis. Aujourd'hui, ils ont guitare, tennis, équitation, solfège. Comme si les parents s'angoissaient à voir leur enfant ne rien faire. Alors qu'avant on regardait par la fenêtre pour rêvasser. C'est vrai que l'on pouvait à l'époque s'ennuyer. J'aurais aimé faire du piano. Je pense aussi qu'enfant on est assez philosophe. On s'interroge sur la vie. On s'étonne d'exister. On est peut-être plus philosophe à dix ans qu'à 40 ans. Après, on est absorbé par les soucis, les embouteillages.

Le grenier était un droit pour fouiller dans la mémoire de vos ancêtres.

F.M. : Oui ! Le grenier appartient aux enfants, c'est un lieu imaginaire. Peut-être même dans le théâtre puisque c'est là que l'on trouve des vielles couvertures pour les transformer en rideau de scène.

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Le guerre 39-45 vient souvent au cours du spectacle. N'était-ce pas un repère pour les anciens afin de dire ce qu'il y a eu avant et après ?

F.M. : Oui ! 39-45 évoque les dimanches d'ennui chez tonton Maurice et tata Madeleine. Je suis né en 1959. On sortait de la guerre, même si je ne m'en rendais pas compte en tant qu'enfant. En gros la guerre c'était loin. Il y a vingt ans François Mitterrand a été élu Président. C'est très frais dans ma tête. Je me souviens de l'émotion, de l'espoir que j'avais, or c'est du passé. Je comprends que dans les années 60, on sortait de la guerre et qu'on éprouve le besoin d'en parler. En Normandie, les villes avaient été bombardées par les Américains. Peu d'entre-elles étaient encore debout. C'était un champ de mine, de ruine.

Je m'accorde un monologue : " C'est vrai que les anciens étaient encore au sein de la famille. Les hospices étaient moins nombreux qu'aujourd'hui. Il y avait encore cette attache du passé, de la mémoire. Même si ces souvenirs n'étaient pas joyeux. Cela transparaît beaucoup dans "Les Habits du Dimanche" au même titre que l'imaginaire de l'enfance. ". François Morel me regarde pantois. Je me calme !

Vous racontez que le grand-père amène le petit Adrien au cimetière. Lieu plein de souvenirs tristes pour les adultes, alors que le monde de l'enfance est plus épris de mystère, de fascination. Étiez-vous de ceux là ?

F.M. : On parlait beaucoup de feux follets. Mais étant môme je ne me suis pas promené la nuit dans les cimetières. J'allais avec ma grand-mère. Aujourd'hui, on trouverait morbide d'emmener un enfant se promener dans ce lieu. Peut-être on vivait mieux avec nos morts que maintenant. J'ai beaucoup écouté Georges Brassens dont le thème du cimetière et de la mort est extrêmement présent dans ses chansons. C'est une façon de rendre vivant ceux qui ne le sont  plus.

Peut-être pour prolonger l'esprit de famille ?

F.M. :Peut-être… Je ne fréquente pas assez les cimetières. Je ne sais pas quoi vous répondre. (Silence !).

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Vous êtes accompagné par une fanfare sur scène. A travers ça on revoit défiler les dimanches de fête du village, des commémorations. Est-ce prétexte pour ne pas vous sentir complètement seul sur scène ?

F.M. : Oh si ! J'aime bien l'idée d'aller saluer à plusieurs à la fin du spectacle. C'est un fond de réflexe d'homme de troupe. Les fanfares développent les mêmes sentiments que l'on a devant ce spectacle là. C'est à dire qu'au moment de rire, on a envie aussi de pleurer. Cela fait cet effet là dans les fanfares par leur maladresse, la façon de jouer en plein air. Il y a des airs qui nous transportent. On a envie de rire, se moquer. Il y a des physiques intéressants. On sent un désir de bien faire éloigner de la perfection. C'est toujours émouvant. La fanfare qui m'accompagne sur scène, scande des moments du spectacle : le 11 novembre, le 14 juillet. C'est un peu les rendez-vous obligatoires de l'enfance qui revient à la surface du spectacle.

Vous racontez l'hypothèse que la mère de famille aurait eu une liaison avec Tino Rossi. Même si l'action se passe dans l'après guerre. En définitive "Les habits du dimanche" s'adresse plus à une génération qui a connu cette icône populaire.

F.M. : Ça n'a pas une grande importance. A un moment donné, j'ai pensé qu'il serait plus logique de citer Charles Aznavour.

Euh… Il n'est pas encore mort.

F.M. : Il est encore très présent.   J'avais besoin de quelqu'un du passé. C'est comme vous dîtes, une icône. Des jeunes qui ont vu le spectacle m'ont dit que leur mère écoutait plus volontier Iglesias.

Il y a de toute façon ce fameux "Petit Papa Noël" qui ressuscite le 25 décembre.

F.M. : Ce n'est pas le chanteur sentimental dont je parle. Je me suis un peu vieillit. Il fallait situer le spectacle juste après la guerre 39-45. Tino Rossi dans les années 60' devait être un homme bedonnant qui devait faire rêver les très vieilles femmes. Un homme de soixante ans m'a dit un soir : " Comment vous savez tout ça sur moi. "

En 2001, n'avez-vous pas l'impression que "Les habits du dimanche" sont rangés au placard avec l'éclatement des familles, le phénomène monoparental ?

F.M. : Oui ! C'est vrai que ça parle d'une enfance qui est de ma génération ou plus âgé. Chacun fait ses déplacements. Ce n'est pas un spectacle sociologique qui va parler de l'éclatement des familles. J'ai pas grand chose à dire là dessus. On se retrouve tous dans "Les habits du dimanche". Qui n'a pas cauchemardé sur la mort de sa mère ou de ses proches avant de s'endormir ? Comment se déroulera l'enterrement ? Va-t-on pleurer à chaudes larmes ? Ce sont des émotions d'enfances que l'on a touts éprouvé.

Le soir où j'ai assisté à votre spectacle, les jeunes dans la salle avaient plus de retenue, de fascination. Ceux qui ont vécu l'enfance que vous relatez n'hésitent pas à rire. Les jeunes sont plus à l'écoute de vos tranches de vie.

F.M. : L'impression que j'ai c'est que je parle moins à un public, qu'à chaque personne présente dans la salle. Je sens de temps en temps des émotions formidables ou des silences absolus. Notamment quand je relate la mort imaginaire de la mère et le décès réel du grand-père. Quand je dis : " La mort n'est pas cruelle, mais l'absence." Chacun doit penser à ses chagrins personnels.

Il y a un silence pesant !

F.M. : Le public a le droit. J'aime bien cet instant.

Vous avez réussi à effacer les mimiques des "Deschiens".

F.M. : Je ne pense pas à mes mimiques. On me disait : " Tu devrais encore effacer ça. " Alors, moi c'est moi ! Je n'ai pas une grammaire de la mimique qui va correspondre à tel sentiment.

Quand vous avez écrit "Les habits du dimanche" (Edition Rocher Archambaud) comptiez-vous l'adapter sur scène ?

F.M. : Au moment de l'écrire, je ne pensais pas le jouer sur scène. J'ai pu ainsi écrire des choses plus intimes que je n'aurais pas osé mettre si c'était destiné au théâtre. On me décrit plus comme un amuseur. Je me serais interdit de raconter des choses plus sensibles, plus intimes sur les angoisses de l'enfance. Je me suis lâché plus. Une fois publié l'ouvrage je me suis rendu compte que je pouvais extraire un spectacle. J'avais besoin de quelqu'un qui me dirige pas comme un simple comédien comique.

On remarque que vous exhibez plus de sensibilité que dans les Deschiens. Vos interventions duraient à peine trois minutes sur Canal +.

F.M. : C'est vrai ! Même s'il y avait de la sensibilité dans les saynètes à la télévision ou dans les spectacles de Deschamps c'était rarement moi qui l'apportait.

Pourrait-on imaginer une suite du spectacle "Les Habits du dimanche" avec le petit Adrien qui tenterait de transmettre les aspects positifs qu'il a vécu pendant son enfance face aux contradictions de la vie actuelle ?

F.M. : J'aimerai bien, si j'en étais capable. Peut-être relater les premiers émois amoureux avant de passer à l'acte sexuel. Je n'ai pas une méthode de travail en tant qu'auteur.

Eh bien, nous attendons la suite d'Adrien.

F.M. D'accord ! Il n'y a plus qu'à l'écrire.

Phil Marso (22 octobre 2001)

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© MEGACOM-IK & Phil Marso / 2001 - Si vous détectez des fautes d'orthographes dans cette interview, veuillez prévenir l'auteur Phil Marso.Merci d'avance ! - Lire d'autres interviews.

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